> Les numéros > Scumgrrrls N° 3 - Printemps / Spring 2003

Jounée internationale de la femme

Chaque année, on se dit qu’on ne nous y reprendra plus, que l’année suivante on y jettera àpeine un oeil, qu’on ne sera même plus tentées de les acheter. Mais rien n’y fait, la tentation est trop forte. Le 8 mars, journée internationale des femmes, on ne peut s’empêcher de se demander comment les journaux traitent des femmes et de leurs luttes. A chaque fois, bien sà»r, c’est la déception. Les sujets bateaux reviennent chaque année, rarement en première page, souvent de manière très accessoire. Généralement on sent combien les journalistes ont eu du mal àtrouver leurs papiers pour cette occasion…

Cette année, en France, les journalistes ne se sont vraiment pas foulés. Et les féministes leur ont filé un sacré coup de main. L’association Ni Putes Ni Soumises (voir notre article dans ce numéro) entendaient clôturer la marche qu’elles effectuaient dans toute la France par la traditionnelle Marche des Femmes du 8 mars à Paris. Il n’en fallait pas plus pour que tous les quotidiens français fassent leur une spéciale « journée des femmes » sur les Ni Putes Ni Soumises. Du Monde au Figaro, tous consacraient une à deux pages à l’association, l’ayant suivie dans sa marche française, chaque journal ayant réussi à approcher une fille en particulier et à livrer aux lecteurs des extraits de son carnet de bord. Parfois, une interview de la Ministre ou secrétaire d’Etat aux droits de la femme complétait le reportage. Mais aucun journal n’a pris la peine de creuser un autre sujet. L’occasion était trop belle : le plaidoyer de l’association ne demandait aucune recherche, aucune réflexion ; bien ficelé, il s’offrait aux journalistes tel quel, prêt à être publié. En définitive, la lecture des journaux ce samedi 8 mars était plutôt réjouissante, de longues pages d’interviews et d’explications d’une des luttes féministes les plus prometteuses de ces dernières années ne pouvaient que faire plaisir.

Mais à la réflexion, une telle unanimité de la presse autour du sujet du jour est quand même un peu affligeante. Ne peut-on exiger de la presse qu’elle investigue un peu plus, qu’elle fasse sienne ce jour-là les réflexions et débats divers que nous ne cessons d’initier et d’alimenter ? C’est un peu comme si, en tant que femmes, nous devions à la fois mener la lutte, les débats, créer nos associations, développer une réflexion et une pensée féministe et en plus, l’expliquer aux journalistes et faire preuve de pédagogie pour les éduquer sur le sujet, tout leur décrire de A à Z, les tenants et aboutissants et à chaque fois justifier la nécessité et la pertinence du féminisme dont ils ne semblent jamais complètement convaincus. Est-il normal que nous soyons les seules à avoir la connaissance et la sensibilité aux problèmes et luttes des femmes ? Est-il normal que chaque 8 mars, les journaux ne prêtent attention aux femmes que si elles-mêmes prennent les choses en main et offrent sur un plateau l’événement et les discussions dont ils pourront se faire l’écho ? Personne ne songe à expliquer la géopolitique, la politique interne, les affaires judiciaires aux journalistes. On s’attend à ce qu’ils s’informent, quitte à consulter des experts. On s’attend en tout cas à ce qu’une connaissance minimale de ces problèmes de société fasse partie de leur formation de base.

Est-il normal qu’avant que les Ni Putes Ni Soumises ne leur mettent le doigt dessus, rares étaient les journalistes qui liaient les viols collectifs ou l’assassinat de Sohane, brûlée vive par un petit mec en mal de pouvoir, à une démonstration de force anti-femmes ? D’ailleurs, cela ne semble jamais fini : il y a quelques jours les médias français relataient la reconstitution du meurtre de Sohane et témoignaient du soutien et des acclamations qui attendaient le meurtrier à son arrivée sur les lieux. Une fois de plus, il semblait s’agir d’un fait divers ordinaire que les journalistes n’ont pas songé à relier au sexisme.

En matière de féminisme, on est encore loin du jour où, lors de la journée de la femme, les journalistes ne sauront que choisir dans les différents sujets illustrant la lutte des femmes, entre tous les papiers tous si passionnants et si essentiels …

Mais la part minime que les femmes occupent ce jour-là dans la presse, et la manière dont elles doivent se créer elles-mêmes cette place, ce n’est encore rien. C’est bien pire les 364 jours restants !

Le Libération et le Figaro ornaient la couverture arrière de leur édition du 8 mars d’une publicité pour de la lingerie montrant un corps de femme nu revêtu d’un corset. Le slogan de la pub était une citation de la styliste Simone Pérèle : « pour révéler toute leur beauté, commençons par libérer le corps des femmes  ». Beaucoup de lectrices ont sans doute été choquées par cette publicité paraissant résumer la lutte des femmes àla simple possibilité de les déshabiller et de les habiller de lingerie ? Après quelques recherches, notamment sur le site de la marque, on apprend que cette styliste a été la première dans les années soixante àmodifier en profondeur la lingerie destinée aux femmes qui, enfin, ont pu renoncer au corset, instrument de torture par excellence. La disparition du corset fait donc bien partie de ces petites choses qui ont fait avancer la condition de la femme. Dommage toutefois que la publicité n’ait pas été plus limpide…

The 8th of March journalists feel obliged to talk about women. Fortunately feminists are there to tell them what to say. This attention given to women remains minimal, but it is, still, better than the 364 other days of the year !

Op 8 maart, internationale vrouwendag, zijn journalisten wel verplicht aandacht te besteden aan vrouwen. Gelukkig kunnen ze beroep doen op de informatie die hun systematisch wordt aangereikt door feministen. Zo staan vrouwen één dag eventjes in de kijker terwijl ze de overige 364 dagen worden doodgezwegen.